Velouté - création Avignon off 2024

*** Note d'écriture ***

À l’heure où le harcèlement moral comme sexuel défraye l’actualité, Victor Haïm en a fait une comédie bien huilée et qui n’hésite pas à forcer sur le trait, noir bien sûr.

Les pervers polymorphes ou narcissiques occupent les colonnes des médias depuis plusieurs années, avec insistance. Victor Haïm, lui, a entrepris d’écrire Velouté, il y a près de trente ans. Les nouvelles méthodes de management n’avaient pas encore fait les dégâts mortels qu’on sait et les feux de l’actualité n’avaient pas encore été braqués sur les façons d’agir des pervers domestiques. Prémonition ?

Imaginez un homme jeune, qui galère de petits boulots en périodes de chômage. Cet homme, Jonathan, rencontre un recruteur qui s’intéresse à lui. L’entretien n’est guère conventionnel, mais l’homme affirme que le dossier est bon et que le recrutement est en très bonne voie. Alors ?
Il reste bien un dernier test tout à fait étonnant à passer, mais puisque le but est proche... Jonathan va donc rencontrer Chloé, l'épouse du recruteur, et c'est là que tout bascule. À l'issue de ce test, il n'aura guère d'autre choix, s'il veut un emploi (et pas celui auquel il postulait), que de ravaler sa dignité...
 

*** Note de mise en scène ***

Un entretien d’embauche. Un recruteur, un candidat. Un dominant, un dominé. Jouissance de posséder, de harceler, d’humilier l’autre. Servilité et consentement forcé du candidat.

Le sujet a été maintes fois traité et il ne s’agit pas ici d’être dans un réalisme conventionnel. Au théâtre, la violence n’est jamais aussi bien exprimée que par la métaphore. Quel décor plus approprié qu’une arène pour symboliser l’espace de la violence ? Un toréador qui, quoi qu’il fasse, gagnera. Un taureau qui, quoi qu’il fasse, perdra. En est-on si sûr ? Chloé, la femme du recruteur entre en jeu…

La situation réaliste, un entretien d’embauche, sera traitée ici comme un cauchemar où les mouches narguent les hommes et leur folie. Le jeu réaliste des comédiens se dérèglera ponctuellement vers des fulgurances outrancières et ubuesques qui rappelleront aux spectateurs les incongruités du cauchemar. Comme la présence constante de ces mouches qui obsèdent et que pourchasse en vain le recruteur. Comme l'envahissement progressif du plateau par une plante qui passera de trépas à vivacité exubérante.

La lumière concourra à cette atmosphère tantôt pesante, tantôt fantasque et drolatique. La musique de Catherine Lara accompagnera la montée en tension et sera teintée d'influences hispaniques.

*** Note de scénographie ***

Deux univers se distinguent entre le bureau et l'appartement : l'apparence du bureau, laissé à l'abandon et recouvert de draps, est mystérieuse et fantomatique, tandis que celle de l'appartement se montre chaleureuse et accueillante.
Progressivement, des changements s'opèrent : les plantes du bureau grandissent lentement, leurs feuilles et racines s'étendant jusqu'à devenir envahissantes, tandis que le tableau représentant le couple se dévoile peu à peu avant de subir une transformation radicale.

La scénographie s'attache à incarner des dimensions symboliques :

• Les bancs : des bancs rouges en accordéon sont progressivement révélés pour créer l’arène dans laquelle s'affrontent en duel le candidat - taureau et le recruteur - toréador.
• Les draps : les bancs sont recouverts d’un drap grisâtre pendant les actes 1 et 2 afin de laisser planer une atmosphère morne dans le local du recruteur. Ils se dévoilent à l'acte 3, chez Chloé, pour témoigner du combat auquel le candidat est en train de se livrer, et pour les couleurs chatoyantes et vives, propres à l'appartement de l'épouse du recruteur. De retour dans le bureau à l’acte 4, les draps sont à nouveau en place mais immaculés de sang : la violence de la situation s'amplifie.
• La plante : tantôt pourrie dans le local du recruteur, tantôt luxuriante dans l'appartement de Chloé, elle se déploie progressivement jusqu'à devenir tentaculaire et dérangeante dans le dernier acte. Ses racines, elles aussi, prennent de plus en plus d'ampleur sous la stèle. 
• Le tableau : d'abord caché derrière un drap dans le local moribond, il finit par montrer un couple heureux chez Chloé. Dissimulé au tiers dans l'acte 4 par un drap ensanglanté, il arbore des motifs sanguinolants. Dans le dernier acte, on voit l'image du couple heureux en train de s'affaisser pour laisser place à cette abstraction criminelle.
• Les accessoires : la tapette, le pistolet, les fleurs, la soupière, le plateau, les verres... sont tout autant de symboles qui caractérisent l'imaginaire délirant des personnages ou leur réalité.

*** Note de création costumes ***

Le recruteur

Nouveau riche, sous-fifre en mal de considération, homme orgueilleux et corrosif, le recruteur a des allures de toréador.
N’hésitant pas à provoquer en duel le candidat, le recruteur est fier d’arborer des couleurs vives : chemises chatoyantes, chaussettes roses hautes, pantalon noir bien coupé et confortable, montre en or bling-bling.
La tenue décontractée du recruteur est en désaccord avec la fausse désinvolture et la tension qui l’habitent.
Les incohérences de son look, allant de la tradition hispanique aux codes vestimentaires contemporains, illustrent l’absurdité de cette pièce qui oscille entre cauchemar et situations réalistes.
 

Jonathan – le candidat

Jonathan est un homme en grande précarité. Il n'a pas d'autre choix que de trouver un emploi pour payer ses factures. Son apparence parle pour lui : autant a-t-il réussi à se dégoter un tee-shirt et un pantalon noirs corrects pour un entretien, autant n’a-t-il pour chaussures que des baskets usées et démodées.
Évidemment, pas de veste, pas d’accessoires : juste une tenue simple qui laisse apparaitre un corps séduisant auquel le recruteur n’est pas insensible.
Sa situation finira par évoluer et son apparence vestimentaire aussi… mais dans une certaine limite et pas celle à laquelle Jonathan s'attendait.
 

Chloé – l’épouse du recruteur

Chloé est une femme tentatrice par sa beauté et sa folie. Elle est habitée par ses pensées incohérentes et ses fulgurances. C’est un personnage haut en couleur, flamboyant : la passionaria ! Tout de rouge vêtue, elle symbolise la cape du toréador qui attire le candidat dans ses filets… à son insu ? Chloé est une femme fantaisiste et versatile : elle change d’humeur comme de teinture de cheveux.