Une fin d'été

D'où me vient cette idée de film ?

Il était d’abord une rencontre... Celle entre cette vallée et moi.

J’ai découvert le village de Thorame-Haute et ses environs, niché dans la vallée du Haut Verdon il y a deux ans et demi. J’y ai sillonné des cols, des plateaux, des rivières et des lacs mais ce sont dès les premiers instants que je me suis sentie inspirée par cet endroit. La lumière transperçait les paysages de telle sorte qu’ils m’ont paru limpides. Comme si cette vallée et moi, nous parlions la même langue. C’était saisissant, il fallait que je filme cet endroit.

Puis, fût une deuxième rencontre, celle avec un jeune comédien Kazakh rencontré lors d’un précédent court-métrage : Nurgazy. Précis et consciencieux, ce fût un plaisir de travailler avec lui. Rapidement, au-delà du bon comédien qu'il était, je voulus m'intéresser à ce qu’il portait en lui en tant qu’humain, et à ce qu’il pouvait me raconter sur son pays. C’est aussi car nous avons une grande méconnaissance des pays d’Asie centrale que j'ai eu cette curiosité et que j’ai souhaité qu’il me raconte. Je me suis intéressée aux différences de mœurs entre ici et là-bas, à la façon dont les relations humaines se construisent. Et je me suis intéressé à son exil.

Un changement de société si brutal semble nécessiter un grand écart tel que l’on finit par se dédoubler, par se désunir de soi-même, jusqu'à risquer de se perdre, comme incapable de retrouver notre ancrage et nos racines. 

Cette thématique de l’exil m'intéresse beaucoup, et elle m’est apparue comme actuelle, forte, et importante car elle concerne tant de gens. Partout autour de moi, d’une façon ou d’une autre, au sein de mes amis et collègues de tournage d’abord, quasiment tous ressentent ce double état, d’être ici, et là bas, cette dualité en eux. Comme s'il fallait se dédoubler pour honorer ce qu’on était là-bas, mais aussi pour s’adapter à ce que l’on est ici.

Alors je me demande si une réconciliation est possible. Si ce dédoublement peut s'atténuer pour tendre vers une sorte d’alignement en soi. Peut-on s'adapter à un nouveau chez soi sans oublier qui l’on est ? Peut-on retrouver un peu l’ailleurs tout en étant ici ?

C’est de cette dualité, de cet alter ego que l'on se crée lorsque l'on est arraché à sa terre, que naît mon projet de film... Je souhaite raconter l’intériorité de cet homme disloqué par l’exil. Un film où, au travers d’une double rencontre, celle de l’amour et de paysages de montagne hors du temps et de l’espace, mon personnage regoûte à une part enfouie ou oubliée de son identité. Pour que quelque part en lui, il puisse concilier Orient et Occident, ce qu’il était là bas et ce qu’il est ici. Et même, qu’il transcende cette dualité pour trouver un au-delà universel.