RIP MA BEAUTÉ

J’ai rencontré la communauté gitane lors de mon premier court-métrage Béni. Cette rencontre a

été fondatrice : elle a non seulement inspiré le film, mais aussi marqué le début de ma collabora-

tion avec la communauté gitane.

En partageant leur quotidien, j’ai été frappé par leur rapport à l’occulte et à l’au-delà. Loin de

toute superstition exotique, leur regard sur ces questions est simple, presque pragmatique : une

manière d’ouvrir une porte sur l’inexplicable, de donner du sens à ce qui pourrait sembler absurde

ou brutal.

Il suffit de passer vingt-quatre heures dans un camp pour saisir l’intensité de cet univers. On a

l’impression de marcher dans une maquette secouée par une main invisible : les cris fusent, les

moteurs rugissent, les rires éclatent, les disputes éclatent puis se résolvent. La vie s’y cabre, se

renverse, mais retombe toujours sur ses pattes. Ici, douleur et joie se partagent la même assiette,

et l’on en redemande.

C’est tout cet imaginaire que je veux retransmettre dans mes films. Peut-être parce que je suis, au

fond, un grand casanier. Les gitans incarnent tout ce que nos sociétés tentent d’enfermer : la folie,

la démesure, le voyage permanent. Là où j’ai l’impression de vivre entouré de quatre murs, eux

les ont brisés depuis longtemps. Pour prendre la route. Pour oser s’en foutre. Pour chanter, sans

pudeur, leurs peines et leurs joies.

Au camp de Ginestous, à Toulouse, j’ai rencontré celui qui m’a inspiré Castor. On me l’a présenté

comme un marginal au sein même du camp. Veuf, solitaire, presque volontairement en retrait,

comme si la vie était devenue une prison, même au cœur d’une communauté organisée autour du

mouvement et de la liberté.

Mon ambition pour RIP est de raconter une histoire d’amour qui dépasse les mondes : un récit où

la magie gitane prend tout son sens, où la beauté se révèle dans chaque personnage. La beauté

du geste. La beauté de la musique. La beauté de l’inexplicable qui viendra aider Castor dans sa

quête amoureuse, une quête qui n’est pas qu’une simple sérénade, mais une véritable réconcilia-

tion avec la vie. Une histoire de deuil, de renaissance et de lumière.

Car les films que je veux faire sont avant tout des contes modernes : des récits ancrés dans le

réel mais traversés par l’invisible, où la poésie du quotidien rencontre la puissance du merveilleux.

Hugo Cappoen