L'intense journée de mon amour

Il y a un peu de Julie en 12 chapitres de Johachim Trier, Swimming pool de François Ozon et de L’auberge espagnole de Cédric Klapich. Un Rohmer contemporain où il est incontestablement question d’amour.

L’intense journée de mon amour est un film de théories sentimentales. Nous suivons le personnage d’Ophélie, dans la vingtaine et en plein doute. Sur la plage, elle va rencontrer Thomas, son premier amour.

En vrac, elle va vivre ce séjour d'été comme un voyage introspectif. Elle évolue au sein d’un groupe de jeunes qui a cette fâcheuse tendance à ne pas arriver à s’aimer. Entre sa morale et ses désirs, elle se questionne sur l'amour : singulier ou pluriel, la liberté, l’exclusivité, elle cherche des recettes.

A travers cette histoire je me questionne sur l'héritage d’une culture judéo-chrétienne et des révolutions sociales.

La génération à laquelle j'appartiens passe cette construction sociale et intime avec le numérique et le virtuel. Cela augmente les possibles, la démocratisation des formes d’amour, la tolérance, mais aussi la radicalité de mœurs conservatrices. L’utilisation des applications, au coeur des rencontres, favorisent les relations éphémères basées sur le sexe et renforce l’isolement. Que reste-t-il pour les timides romantiques ?

L’histoire de L’intense journée de mon amour vient d’un assemblage d'anecdotes et de contradictions de mes amis et de moi-même. Je trouve ces histoires dramaturgiques. Les humains de tout âge questionnent : l’amour, les engrenages qui coincent, les forces contraires, les injonctions qui dictent nos choix.

J’ai opté pour un mode narratif choral qui donne une importance au groupe d'amis et à leur histoire. Ophélie évolue ainsi entre Salomé, sa meilleure amie, et Thomas, le garçon de sa première fois. Ses obstacles psychologiques résultent d’un manque de repère. Elle ne s'identifie pas aux gens de son âge, fascinée par ses ami.e.s qui parlent et vivent leur sexualité avec aisance. Elle cache ses pulsions, craint le regard des autres puis finalement décide de s’écouter. Pour Thomas, je m'inspire d'Antoine Doinel, des films de F .Truffaut. C’est un personnage à contre-courant, poète philosophe, optimiste, déconstruit. Sa maladresse, le montre timide et sincère. Le smartphone existe dans le film à petite échelle, il incarne le copain d’Ophélie à distance. Réduit à un objet, il fait régner le capitalisme du sexe,“♥” (émoji coeur) n’a pas de voix ni de prénom.

J’ai imaginé l’histoire au bord du lac de Sainte-Croix dans les Alpes-de-Haute-Provence. La puissance de ce décor est un personnage à part entière. Dans cet espace bleu turquoise, minéral et verdoyant, chacun retrouve ses désirs au cœur de la nature. La disposition en cuvette du lac en fait un théâtre des sentiments à fleur d’eau et de peau. Les paysages saturent, le soleil brûle, les abords du Verdon ont un aspect sauvage, les plages sont composées de galets, les corps transpirent. Loin de toute zone urbaine, pas de boîte de nuit, d’artifice de fête, seul un bistrot local pour y passer la nuit. Une immersion dans laquelle naît l’envie de prendre une gorgée de soleil et de faire l’amour dans la forêt.

J’aimerais faire ressentir l'environnement naturel comme si on y était avec le bruit du lac, de la forêt. Cette omniprésence de la nature nous encercle face à nos paradoxes. Ces ambiances sont mélangées à de la musique diégétique à travers une playlist originale composée avant le tournage. Comme dans le film La Boum, dans lequel V.Cosma a composé tout un album de chansons de pop fictive, je veux qu’elles deviennent les tubes de l’été de mes personnages. Pour composer cet album, je souhaites faire appel à plusieurs artistes musicaux différents, avec qui j'ai déja collaborés au cours de mon travail de réalisateur de clips.

J'imagine l’image contrastée, plutôt saturée à l’instar des fantasmes d’Ophélie. Je souhaite tourner en pellicule 16mm, Pour un grain qui rappelle la peau, miroir des émotions. Dans le premier temps le ton du film est plus léger et comique, j'imagine une caméra portée et des valeurs serrées pour créer un sentiment humain et immersif. Le film gagne progressivement en stabilité alors qu'il bascule dans l'onirique. Au climax, une scène d’amour, où je filme une nudité à contre jour, avec la lumière orangée du lever du soleil. Cette scène doit susciter le désir du spectateur dans son élégance, sa poésie et sa beauté simple.

Je veux faire un film qui donne envie d’être amoureux.

Martin Schrepel