Journal de la Bonne - Avignon 2021

Journal de la Bonne un parcours imaginaire dans l'univers de Jean Genet et le rapport à son oeuvre à partir de sa pièce Les Bonnes

Alors que Louis Jouvet met en scène Les Bonnes pour un public bourgeois parisien, Genet écrit Journal du voleur, récit autobiographique, où il relate sa vie de voyou entre prisons, bars et prostitution. Qu’est-ce qui relie l’œuvre la plus connue de Jean Genet à ce passé tumultueux ?

Naissance du projet pour la metteuse en scène

Le projet de Journal de la Bonne est né de lectures croisées entre Journal du voleur, le condamné à mort et bien sur Les Bonnes. Au gré des mots, il m’est apparu que chacun de ces textes venait à la fois éclairer et compléter les autres. Et, peu à peu, un cheminement intime et lumineux dans l’univers de Genet s’est ouvert...
J’ai d’abord été saisie par la force sensuelle avec laquelle il décrit le monde des exclus, un monde fait de crimes sublimes et d’érotisme, où la trahison et la bagne sont des sujets de désir. Puis j’ai eu un sentiment étrange, à la fois de malaise et de jubilation, à cause de son ton provocateur, sa façon de rejeter son public ou son lecteur et de casser tous les codes sociaux ou moraux. Et puis j’ai été touchée par la mise à nue d’une intimité meurtrie qui se révèle peu à peu, et est magnifiée dans toute sa fébrilité grâce à la poésie.
En créant Journal de la Bonne, j’ai voulu au détour d’un geste, de regards, d’une silhouette fantôme, d’un objet me faire l’écho de ces portes de passage vers la poésie de Genet.

Une confrontation entre l’auteur et son œuvre

Alors qu’il relit un manuscrit, Jean Genet est interpellé par les personnages de sa pièce Les Bonnes qui viennent d’abord jouer leur drame devant lui puis l’interpellent peu à peu, tissant des liens entre leur histoire, leur vision, leur langage et le monde propre de leur auteur.
Il est d’abord le spectateur de son œuvre : il la regarde se dérouler dans sa chambre où chaque objet est détourné pour devenir un accessoire (ou une robe) de Madame
Puis il entre peu à peu en interaction avec sa pièce : il corrige ou encourage ses personnages.
Enfin il s’y mêle, prenant lui-même le rôle de ses personnages ou leur répondant directement.

Une mise en scène qui superpose différents espaces

Trois dimensions sont imbriquées dans la pièce qui sont à la fois distinctes et indissociables : La réalité physique : La pièce se situe dans la chambre d’hôtel de l’auteur, c’est le cadre initial que le spectateur découvre.
Le monde spirituel : Des fantômes habitent ou passent dans cet espace sans y être vraiment (alter ego de l’auteur, mère imaginaire...).

Le monde de la création où se déploient ses personnages, à leur contact le lieu se transforme, il est magnifié, il devient un ailleurs fantasmatique.