Furry Girl

Note d’intention :

Je me suis souvent interrogée sur les différentes facettes que peuvent revêtir l’amour, la sexualité et les fantasmes chez l’être humain et c’est au détour d’une conversation avec un ami que j’ai découvert le mouvement Furry Fandom*.

Ce dernier permet à des gens ordinaires de transcender leur quotidien en incarnant leur « animal-totem », mais aussi pour certains d’entre eux de pousser cette personnification jusque dans leur sexualité. Après mes recherches et avoir interviewé plusieurs Furries, j’ai donc imaginé une histoire d’amour entre Héloïse, une femme ordinaire et son voisin Albert, un homme tout aussi ordinaire sur qui elle fantasme et qui s’avère être un Furry.

Dans cette histoire, j’ai voulu créer un personnage féminin qui se retrouve confronté à un monde d’où émane une sexualité hétéroclite. Un être insatisfait découvrant un trésor de créativité dans une société normaliste où elle peine à trouver sa place. Parallèlement, le personnage d’Albert assume son appartenance au mouvement mais s’interdit toute relation extérieure par crainte d’être mal perçu.

Le film se veut très visuel et comporte peu de dialogues. D’abord, parce qu’une partie des Furries ne communique que par onomatopées ou attitudes animalières mais aussi car il était pour moi primordial de différencier les deux univers. Ensuite parce que l’aspect graphique de ce thème me paraît puissant, tant l’esthétique et l’ambiance m’ont émerveillée. Le désir s’y crée de façon sensuelle et rythmée et les rapports crus sont eux suggérés à travers les yeux d’Héloïse, ne souhaitant nullement des scènes explicites dans le film.

Si j’ai choisi de placer mon histoire et mes personnages à Nancy, c’est parce qu’à mon sens, le contraste des gens ordinaires vivant une expérience extraordinaire sera bien plus impactant dans cette atmosphère humble et intimiste. 

Les costumes (ou Fursuit) représentent aussi en eux-mêmes certains masques de notre société. Qu’ils soient artificiels ou émotionnels, on les retrouve tant dans l’univers des furries que dans celui plus réaliste d’Héloïse. Lors de la parade amoureuse dans l’hôtel particulier, la danse étant une discipline au cœur du mouvement Furry, j’envisage une chorégraphie particulière faite d’expression corporelle et de comportements animaliers précis faisant référence à la faune qu’Héloïse contemple.

Ce film veut témoigner de la difficulté à nouer des liens dans le monde actuel mais aussi de la capacité qu’a l’être humain à créer des mondes extraordinaires et de l’affranchissement parfois nécessaire de ces derniers pour se dévoiler. Raconté à travers deux personnages qui ne cessent de se croiser sans parvenir à se toucher, provocant finalement une vraie rencontre en acceptant d’ôter leurs masques normés ou excentriques et s’assumant tels qu’ils sont.

Tiphaine Haas

*Furry Fandom : mouvement culturel apparu dans les années 80 basé sur l’anthropomorphisme comme l'intérêt pour les animaux, imaginaires ou non,  possédant des caractéristiques humaines. Les personnes qui appartiennent au Furry Fandom sont appelées Furs ou Furries. Selon une étude menée en 2011, il y aurait entre 1,4 et 2,8 millions de Furries dans le monde.