Être le loup

Être le loup est le second projet de création tout public à partir de 8 ans de la compagnie Lazzi Zanni. Après Pinok en 2013, qui continue par ailleurs son chemin de diffusion, cette création explore une autre figure dans le bestiaire des monstres: le loup.

Depuis maintenant un an et demi, la compagie a réuni une équipe artistique et technique soudée autour de ce projet de création qui rassemble déjà beaucoup de partenaires.

Le projet entame sa dernière ligne droite en ce début d'année 2016 avec des résidences de création au Lieu (pôle de création jeune public à Saint-Paul de Serre), au Palace (Odyssée, scène conventionnée de Périgueux) et enfin à l'Imagiscène (centre culturel de Terrasson) où aura lieu la première le 1 mars prochain.

C’est la joie dans les bois et les prés ! Pensez donc, le loup est mort ! Les cochons dansent, les biches sautillent entre les arbres. Evidemment, les moutons ne sont pas en reste non plus. Deux d’entre eux, Kalle et Locke, conversent autour de cette réjouissante disparition, entre deux bouchées d’herbe.

Mais comment était-il ce loup ? Probablement très méchant puisqu’il était le grand méchant loup ! Mais ni l’un ni l’autre ne l’ont jamais vu. Du reste, s’ils l’avaient vu, ils ne seraient pas là à en discuter, ils auraient été dévorés par celui dont on dit : « il faut le reconnaître faisait bien son boulot » !

Et puisque la règle veut qu’il y ait toujours des loups pour dévorer les moutons, un de ces deux « moutons-moutons » ne pourrait-il pas prétendre au poste à pourvoir ?

Une fable drôle et grinçante, qui nous plonge au cœur de sujets d’actualité, tels que l’emballement de la finance, la précarité du travail, et qui renvoient à l’adage bien connu : L’homme est un loup pour l’homme.

Dans un univers très visuel et résolument urbain, la prairie devient cité avec sa forêt d'immeubles, le loup devient requin de la finance avec son beau costume. Lazzi Zanni revisite le conte en proposant une version décalée et résolument contemporaine des histoires de loup et de gentils petits moutons que nous connaissons tous...

Alors ? Être ou ne pas être LE loup ?...

Note d'intention:

Dans le conte traditionnel, le loup est un personnage cruel. Il est systématiquement là pour faire peur et terroriser ses futures proies. Il se régale des enfants égarés, des grands-mères, mais aussi des animaux plus faibles que lui.

La plupart du temps, le loup vit dans les bois ce qui, bien entendu, accentue sa mauvaise réputation. Mais il peut néanmoins s’approcher de la ville et se faufiler jusque dans nos maisons. Il est gourmand mais, la plupart du temps, n’arrive pas à ses fins et donc à faire son repas. Il se retrouve même, ressort moraliste et comique, avec des blessures. Les mythes et légendes représentant la figure du loup, comme les faits divers, omniprésents dans l’insconscient collectif, inquiètent et fascinent à la fois. Car c’est lui qui représente le danger et qui a le pouvoir. Il peut tuer d’un coup de griffe ou de mâchoire avec ses dents acérées.

Le pouvoir du loup, ce monstre, est immense, à l’image de son appétit féroce. Au final, on ne souhaite qu’une seule chose, ne jamais le rencontrer.

C’est cette fascination et ce pouvoir qui m’ont conduit à rechercher ce que l’image du loup représente dans notre société. Quelle image prend-il dans notre contemporain et pourquoi le compare-t-on si souvent à l’homme, et son inverse. D’ailleurs n’entendons-nous pas que « L’homme est un loup pour l’homme » !

Et c’est alors que j’ai découvert le texte « Être le loup » de Bettina Wegenast.

D’emblée, ce qui m’a plu dans ce texte, c’est qu’il prend le contrepied des histoires de loup traditionnelles, ici tout commence par l’annonce de sa mort !

Que ferait-on demain si celui que l’on sait supérieur à nous, celui dont on craint la présence, qui détient un pouvoir si féroce et terrifiant sur nous, disparaissait ? L’histoire débute avec ce fait extraordinaire et néanmoins réel, le loup est mort. L’originalité se poursuit alors quand ce simple constat est fait par des moutons ! Ces moutons qui broutent paisiblement la prairie verte sous un soleil brillant. Soudain, au loin, une voix clame une sacrée bonne nouvelle :

LE LOUP EST MORT ! Tous se réjouissent. C’est incroyable ! Ce loup terrifiant avec ses griffes tranchantes, sa fourrure hirsute, ses yeux rouges et ses dents effrayantes ! Le Grand méchant loup ! Les moutons pourraient prétendre alors vivre en paix désormais.

Mais non ! L’emploi est vacant et quoi de plus excitant qu’un tel poste libre !

Voilà qui exacerbe bien des appétits

Un mouton se présente à l’agence, après tout le costume est fourni. L’important n’est-il pas ce que l’on voit,? La superficialité de l’apparence ?

Mais est-ce si simple alors? Pas d’être un loup, mais d’être LE loup ?

Cette question renvoie à la nécessité de chacun de connaitre les limites de ses appétits. Il s’agit d’une pièce philosophique sur la soif de pouvoir et d’identité où se mêlent onirisme et réalité. Un mélange croustillant d’humour et de cruauté dans lequel on peut tous s’identifier à la tentation de vouloir « sortir du rang » et prendre le pouvoir. On rencontre dans cette pièce la base des contes traditionnels. Ce qu’il y a de jubilatoire dans ce texte vient du fait que cette histoire de loup et de moutons est un petit bijou d’humour dans des dialogues qui puisent dans notre actualité sociétale. En effet, les thèmes de la manipulation, de la monstruosité, de la métamorphose y sont abordés.

Être le loup correspond, avec humour et réflexion, à mon désir de mettre le public en état de vigilance face au contexte actuel de glorification du pouvoir et de la performance.