Estrans

Attachés au bord de mer, nous voyons le littoral s’épuiser face aux pressions anthropiques qui s’y exercent. Tout part d’une envie à la fois simple et profonde de parler de cet espace linéaire sur le fil, en recherche d’équilibre.

Nous voulons nous exprimer poétiquement sur :

* La montée des eaux

* La disparition des plages et l’érosion des dunes

* La disparition des sols pour construire des maisons secondaires, au détriment de l’agriculture

* La difficulté de partager le foncier

* La fermeture des maisons l’hiver et la désertion des cafés

* La mutation d’une société littorale

* La restriction de la pêche pour le renouvellement de la faune marine

* L’ accroissement estival de la population au point de faire craquer le paysage

* L’ effacement d’un savoir-faire local face à une activité majoritairement tournée vers le tourisme

* Les problèmes d’approvisionnement en eau potable l’été

* L’épaisseur de l’estran

* Et comment le monde marin échange avec le monde terrestre

Le littoral est un espace limité, convoité et attractif. Mais c’est aussi là où la mer et la terre se rejoignent. Il y acquiert toute sa valeur poétique.

Mais plus exactement, nous parlerons de rivage. Regardez-vous la mer de près ?

Observant l’horizon depuis la grève, nous restons là car il nous semble que le rivage vaut la peine d’être vécu. Inspirés par un regard aguerri sur ce paysage particulier, nous voulons explorer la rive, zone fluctuante où s’établit le contact entre la mer et la terre. Par le corps, nous voulons appréhender l’ estran, où la mer dépose, enfouit, échoue ce qu’elle veut laisser à terre et reprend les contradictions humaines qu’elle ballotera dans sa houle. Nous y attendrons le retour de marins, nous y ramasseront des coquillages. La danse nous aidera à parler de la fragilité de cette ligne. Souligner le paysage. Le corps au rythme de la marée. C’est une façon d’apprivoiser le monde, ces quelques pas de danse sur le rivage. Les pieds sur la plus haute ligne des eaux. Se faire funambule. Marcher sans faillir. Créer dans l’obsession de faire ressurgir ce qui a fui. L’ enfance là au bord de l’eau. Se définir en paysage.

Interroger l’immensité, le corps humain à l’ échelle du littoral.

L’estran, lanière de terre découverte à marée basse et immergée à marée haute, est par excellence la frange d’échange entre monde maritime et monde anthropique. C’est l’espace où des situations sont provoquées entre homme et paysage.

L’ homme appréhende la mer et tout autre monde aquatique d’abord par le rivage. C’est là qu’il y développe des usages liés à sa propre survie mais aussi des manières d’être et de penser.

Contrairement à la mer qui tend inexorablement à estomper les irrégularités du tracé côtier, nous voulons mettre en lumière les espaces singuliers des littoraux. Nous voulons mettre en scène des situations entre l’homme et le rivage maritime. Nous essaierons de susciter des situations étonnantes et inédites où les usages réels seront ébranlés par la rencontre entre des personnages, figures emblématiques décalées, et cet espace particulier de l’estran.

Là où on passe et repasse, dans un sens, puis dans un autre

Là où on entend les cris des enfants

Là où on se jette à l’eau

Là où on court après les vagues

Juste là où on s’enfonce dans le sable mouillé

Là où les coquillages sont les plus beaux, brillants

Là où on fait des forts avec des douves

Là où s’écroulent les efforts

Là où on mouille le bas de son pantalon, jouissivement

Là où on goûte l’ eau

Là où flottent les méduses fascinantes, inquiétantes

Là où la peau frissonne

Là où le corps se contracte

Là où on entre en contact

Là où on tient le bateau contre les vagues

Là où on hume les embruns

Là où on récolte la palourde à marée basse

Là où on s’éclabousse

Là où on amasse l’ écume

Là où on saute de rocher en rocher pour avancer

Là où se tiennent les animaux sauvages

Là où le temps est suspendu

Là où on dit : la mer est étale

Là où il y en a pour 6 heures

Là où il y a la séparation des corps

Là où sont déposés ceux que la mer ne veut pas

Là où on ressent le rythme de la marée

Là où certains se laissent dessécher

Là où mes larmes sont moins salées

Là où on passe de l’un à l’autre

Là où le sol penche

Là où c’est escarpé

Là où on est face à l’immensité

Là où on est face à l’inconnu

Là où il y a l’incertitude d’avoir encore pied

Là où il y a la possibilité de ne pas revenir

Là où il y a des souvenirs d’enfants

Là où se trouvent des zones indécises

Là où sont les limites de la masse d’eau

Là où les eaux douces se mélangent aux eaux salées

Là où on se tient au bord

Là où on regarde l’horizon

Là où on se remplit d’espoir

Là où on attend que quelqu’un rentre

Là où on fantasme le départ vers l’autre côté

Là où on manque de courage

Là où on peut trouver un abri

Là où il y a du désir

Là où on peut s’arrimer