Ceux qui restent sur les bords de Miljacka.

Chroniques de la jeunesse de Sarajevo
AUDIOVISUEL - CINÉMA
PRODUCTION,
DÉMOCRATISATION CULTURELLE
CRÉATION ÉMERGENTE

Présentation du projet

La Bosnie-Herzégovine, entre post-guerre et post-Yougoslavie, entre traditions et modernités, entre résiliences et ouvertures

Située à la croisée de la géographie, mal connue, la Bosnie peine à sortir de l’ombre de son histoire récente, peine à savoir qui elle est, ce qu’elle peut, où elle va. La guerre est finie depuis plus de vingt ans mais les stigmates sont encore là : les impacts de balle sur les façades, les archives nationales jamais récupérées, les traumatismes pas encore guéris, les crises politiques et menaces de scissions toujours latentes. Si la première génération de jeunesse bosnienne « sacrifiée » est sans aucun doute celle qui a vécu le long siège de Sarajevo (quatre ans), la nouvelle génération – celle qui est née juste après la guerre – porte sur elle ce passé qu’elle n’a pas vécu et à l’image de son pays, elle aussi peine à savoir qui elle est, ce qu’elle peut et où elle va. Aujourd’hui âgée de 25-30 ans, une partie d’entre elle vit à Sarajevo, dans les gigantesques ensembles de tours qui bordent la rivière Miljacka, maigre cours d’eau qui traverse la ville en la coupant en deux. Des tours qui sont des vestiges d’une époque communiste qui est une des plus belles périodes de la ville. En 1984, Sarajevo était l’amphitryon des Jeux Olympiques d’hiver, la capitale du rock yougoslave, la « chouchou » d’un Tito que l’on disait fatigué des rivalités entre croates et serbes.

Naturellement mélancolique – car nichée dans une petite vallée en proie aux brumes – la ville peine aujourd’hui à trouver un nouveau souffle et apparaît comme délaissée, nostalgique, aussi car elle est vidée d’une partie de sa jeunesse qui préfère aller se vivre ailleurs en raison de la crise institutionnelle, démocratique et économique que traverse le pays ; une jeunesse qui trouve un futur qu’elle considère meilleur en Autriche, en Allemagne, mais aussi finalement un peu partout dans le reste de l’Europe.

Mes personnages et mon envie de film

Aujourd’hui, une partie importante de la jeunesse bosnienne est partie, mais une autre est restée : soit car elle n’a pas le choix, soit car elle aspire seulement à qu’on lui permette de se vivre ici. Belma, Dino et Emir sont dans ce cas. Je les ai connu l’été dernier, pendant le festival de film de Sarajevo. Ces trois personnes que je veux suivre dans ce film habitent tous dans les tours communistes des quartiers Grbavica et Otoka en contrebas du quartier austro-hongrois. Belma y vit seule car elle se sent trop différente de ces parents. Trop moderne, elle étouffe ou ne trouve pas sa place dans sa ville natale et se vit plus librement à Sarajevo. Pour payer ses frais, elle travaille pour une des ces multinationales occidentales qui viennent puiser dans la jeunesse bosnienne une main d’œuvre qualifiée et à bas prix. Emir est pour sa part DJ techno, il anime les nuits d’une jeunesse en besoin de lâcher prise et de résilience, mais la journée, il mixe et vit chez lui, dans un appartement qu’il partage avec sa grand-mère et qu’il ne veut pas quitter car il sent la responsabilité de devoir s’occuper d’elle. Dino, lui, est caméraman pour une télé nationale et habite avec sa mère et son beau père. Il aurait lui-aussi les moyens suffisants pour vivre seul, mais une part de son argent part en médicaments pour son père, un ancien combattant de l’armée bosniaque devenu peintre et skizophrène depuis la fin de la guerre.

Entre devoirs familiaux et poids de l’histoire, mais aussi portés par les sirènes de la fête et de la modernité, ces trois jeunes affrontent un même défi, celui de trouver leur place dans la société bosnienne afin de ne pas être obligés, comme la plupart de leurs amis, à partir. Le film que je veux faire est un film sur cette génération qui a décidé de rester. Des jeunes « éduqués » car issus de la classe moyenne de Sarajevo et qui sont tous issus de confessions musulmanes, même si pour eux, la dimension religieuse n’est que secondaire. D’ailleurs, ce n’est que lors de ma troisième rencontre avec eux que j’appris qu’ils étaient musulmans. Impossibles pour eux en effet de se définir par une identité confessionnelle, personne en Bosnie ne fait d’ailleurs ça : ces trois jeunes que je m’apprête à filmer sont avant tout de là, de ces tours et des parcs qui les bordent, de ce pays qui porte encore le poids de la tradition mais qui se tourne déjà vers une forme de modernité ; ce sont des enfants de la guerre, de la Bosnie post-Yougoslave, d’un pays qui entre résilience et ouverture, empreinte doucement un chemin que sa jeunesse, dans ce qu’elle réussira à inventer d’elle-même, participe déjà à construire.

Le film et moi

Voilà plusieurs années que je travaille dans les Balkans. D’abord en Grèce où j’ai filmé à plusieurs reprises les conditions de vie des migrants (2012, 2013, 2021) puis le lien de la population grecque avec le Rembetiko, une musique traditionnelle. Ces différents films sont tous issus d’une mise en immersion à l’intérieur des sociétés et auprès des personnages que je me proposais de filmer. Une méthode quasi anthropologique d’immersion et de création de relations de grande confiance avec les personnages que je pourrais considérer comme ma « marque de fabrique », mon ADN documentaire.

Un travail en immersion que j’ai utilisée dés mes premiers films au Guatemala entre 2000 et 2010 et que j’ai répété dans les derniers films que j’ai réalisés depuis : L’aventure. Trois ivoiriens sur la route de l’Europe (2013, 63’) ; Une vie meilleure. Chronique de vie dans un eldorado du pétrole (2018, 87’) ; En Dehors. Premières années de liberté d’un prisonnier longue peine (2021, 73’).

Ici encore, avec ce projet de film, je vais filmer des gens que je connais bien, des gens qui sont devenus des amis, des proches, conditions essentielles selon moi afin que je puisse avoir accès à leur intimité, à la part d’eux-mêmes qui est difficile à exprimer et qui ne sortira que parce qu’ils auront confiance en moi et en mon extension technique, la caméra. Depuis quelques semaines, j’ai déjà commencé à les filmer mais le sujet de mon film reste encore flou : je sais ce qui m’intéresse, la génération qui apparaîtra à l’image, et je commence aussi à comprendre les enjeux et les dilemmes qui la traverse, la façon dont elle tire les forces et les faiblesses de son expérience vécue et de son lien avec sa famille. Je sais aussi qu’elle sera le décor du film (les grandes tours de Sarajevo) et la façon dont je les filmerai, en allégorie à ces chroniques de vie que je m’apprête à suivre. Une allégorie que l’on retrouvera dans ce film également dans le lien que cette jeunesse entretient avec la musique : le hip hop née dans ces mêmes tours et la techno qui alimente les nuits de la capitale et permet d’oublier et d’œuvrer à sa manière, à une forme de résilience.

Une idée de film fait son chemin,. Comme susmentionné, j’ai d’emblée le sentiment que la relation que mes personnages entretiennent avec leur histoire trouve une allégorie naturelle dans le lien qu’ils entretiennent avec leur espace de vie (les tours), avec la musique qui occupe leurs jours et dans la relation qu’ils entretiennent avec leurs familles. Mais il me reste encore à explorer leur intimité, à comprendre de quelle façon cette génération est en tension entre son rapport à la tradition et ses aspirations nouvelles. Et puis surtout, il me reste encore à construire les histoires personnelles de ce film choral, à élaborer une narration et à mettre en place la dramaturgie.

A quoi sert l'argent collecté

Avec l’argent récolté, je veux procéder aux repérages qui me seront nécessaires afin de mieux cerner mon film et l’histoire que je veux raconter. Ces repérages sont déjà en cours et se termineront au printemps 2023, période à laquelle commencera une nouvelle phase du développement de mon projet de film : l’écriture. Concrètement, pendant cette période de pré-écriture, je serai à Sarajevo, au plus près de mes personnages et de leur vie quotidienne. Les fonds me permettront ainsi de vivre sur place, de me loger, de me déplacer et aussi d’apprendre la langue bosnienne grâce à des cours particuliers.


Objectif de collecte

3 000,00 €

Montant Global

3 000,00 €

Dépenses

Désignation Montant

Repérages film

Repérages, premiers tournages, écricture 3 000,00 €
SOUS TOTAL 3 000,00 €

TOTAL

TOTAL 3 000,00 €

Recettes

Désignation Montant

Proarti

Financement participatif proarti 3 000,00 €

TOTAL

TOTAL 3 000,00 €

Contreparties

Mon amitié

pour 10,00 € et +

1 ARTINAUTE

toute mon amitié et mon estime aux personnes qui m'aident !