Les Roses

Ci-dessus : American Beauty de Sam Mendes, 1999

LES INSPIRATIONS D'HUGO REUTER

"Les bras couverts de griffures, le soleil de plomb et l'esprit de camaraderie résument parfaitement l'univers des saisonniers dans la roseraie où j'ai passé tous mes étés pendant mon adolescence. Dirigée par mon père, qui avait lui-même hérité de cette entreprise de mon grand-père, la roseraie était un lieu de travail exigeant. La précision et la rigueur étaient primordiales, car nous devions réaliser des centaines de greffes par jour, courbés en deux, le dos voûté sous un soleil écrasant, tout en supportant les douloureuses éraflures des rosiers. Tout cela se déroulait sous l'autorité d'un chef autoritaire pour qui la lenteur était synonyme de grande faiblesse.

J'ai toujours souhaité retranscrire cette période, car elle évoque en moi un souvenir puissant. Ce contraste entre la dureté du travail et la beauté du geste, cette volonté de montrer le processus de création si ardu pour obtenir ces fleurs tant convoitées, me pousse à extérioriser mes souvenirs d'adolescence. Car, comme on le sait, la vie n'est qu'un roman dont on ne se souvient que de quelques pages. Il me fallait donc une histoire forte pour soutenir cette ambition et partager ces souvenirs qui me tiennent à cœur.

Mon grand-père avait l'habitude de me raconter diverses anecdotes sur sa vie, notamment sur sa longue carrière de rosiériste, faite de déceptions et de succès. Cependant, une histoire en particulier qu'il m'a racontée reste gravée dans ma mémoire. Dans les années 50, on racontait dans son milieu qu'un créateur de roses, au bord de la faillite après avoir vu ses récoltes ravagées par des vers blancs pendant trois années consécutives, essaya différentes stratégies pour relancer son affaire. La plupart de ses tentatives échouèrent, car les avancées techniques de l'époque étaient limitées. Mais l'une d'entre elles fut particulièrement surprenante et se révéla fructueuse. Convaincu que le sang des animaux avait une teinte pourpre intéressante, il décida de peindre ses roses rouges avec du sang de perdrix afin de leur donner plus d'éclat. Ce travail fastidieux, mais réalisé avec une conviction inébranlable, porta ses fruits.

Étonnamment, son entreprise redécolla et la demande de roses rouges augmenta considérablement. Bien sûr, il n'existe aucune preuve tangible de la véracité de cette histoire, mais la légende qui l'entoure perdure et me fascine personnellement. La découverte d'une solution aussi sordide pour échapper à l'abîme et atteindre le succès révèle notre nature à la fois naïve et cruelle.

C'est à partir de là que j'ai imaginé l'histoire du film, où un père, convoitant le succès, se retrouve confronté à une demande croissante de production. Il prend alors la décision d'utiliser le sang de sa propre fille, incarnant la pureté et l'innocence, comme moyen d'atteindre le sommet de sa passion et de son talent."

Ci-dessus : Harry Potter et les Reliques de la Mort de David Yates, 2010

LES INSPIRATIONS D'AUGUSTE LANGEVIN

Au cours de mes études de scénario, j'ai fait la rencontre d'Hugo, un camarade de classe qui se distinguait toujours par son rire contagieux, son sens de l'amusement et ses blagues. Bien qu'il exprimait souvent son désir d'écrire des comédies, un jour, il a présenté un projet de court-métrage différent qui a éveillé en moi une curiosité profonde.

C'était une révélation pour moi, car c'était la première fois que je découvrais cette facette sombre chez Hugo. Son projet dégageait une sincérité profonde et était imprégné d'un fort sentiment de drame. L'histoire de la "rose de sang" qu'il proposait m'a fasciné, rappelant les contes de fées envoûtants de mon enfance et les films d'horreur captivants qui ont marqué mon adolescence. J'étais attiré par son aspect fantastique, mystique et horrifique, ainsi que par la symbolique qui transpirait dans son récit.

Dans le projet d'Hugo, j’en étais sûr, il y avait une profondeur à explorer, et ensemble, nous lui avons donné vie. C'est ainsi qu'est né "Les Roses", notre premier projet collaboratif, qui continue de nous passionner deux ans plus tard. Au fil du temps, nous avons collaboré sur plusieurs autres projets, dépassant notre statut de simples collègues ou co-scénaristes. Nous sommes devenus de véritables amis, unis par notre inspiration commune à créer du cinéma ensemble.