Le jour où j'ai arrêté d'être un super-héros

GENESE DES SUPER-HEROS

Durant mon adolescence je me suis plongé, comme bon nombre de garçons, à corps perdu dans les comics, je me suis abreuvé de ces bandes-dessinées qui décrivent un monde peuplé de supers-héros, ces humains dotés de capacités surnaturelles. Ils ne sont pas uniquement des surhommes grâce à leurs super-pouvoirs mais aussi par leurs actes, ce sont des justiciers qui luttent pour le bien de tous, pour sauver le monde de terribles catastrophes ou de projets démoniaques afin d’empêcher sa destruction au péril de leur vie.

Apparemment, cette culture marginale semble bien simpliste et naïve, basée sur la dichotomie personnifiée du bien et du mal avec comme vainqueur le bien permettant de pérenniser le monde tel que nous le connaissons.

Seulement avec le temps, je me suis questionné sur mon attachement à ce genre de récit, en quoi cela faisait tellement écho avec ce que je vivais durant mon adolescence ? Pourquoi j’en dévorais autant ? En quoi ces illustrations étaient devenues un refuge dans lequel je me sentais enfin bien ? Et pourquoi cet attachement aux super-héros reste un point commun récurrent avec les autres homosexuels que je croise même à l’âge adulte ?

Outre leurs super-pouvoirs ces personnages nous questionnent sur notre société. Leur présence suppose que l’humanité n’arrive pas à se gérer par elle-même, le super-héros est là pour pallier des insuffisances dans la préservation de valeurs permettant un vivre ensemble pacifique comme par exemple la liberté, la justice, la tolérance. En étant notre ange gardien il pointe du doigt les incohérences du monde humain. Et elles sont nombreuses, les gays et les lesbiennes sont l’objet d’ injures, de préjugés et d’ injustices n’aidant pas à se voir positivement et à considérer le monde dans une harmonie bienfaitrice même en tant qu’adulte. D’ailleurs il est à noter que l’apparition de deux super-héros gays amants ont eu l’effet d’une bombe, notamment quand marvel, éditeur et créateur de ces revues, a illustré une de ses couvertures par leur mariage. Prouvant, par la même occasion, la souplesse et la modernité de ce genre littéraire.

MUTANTS ET HOMOS, UN MEME EVEIL DIFFICILE...

Les mutants, c’est à dire la population déclarant des super-pouvoirs mais pas forcément étant des super-héros, vivent cette expérience à l’adolescence, ce moment charnière de la construction de la personnalité mais aussi de la sexualité. Les mutants se questionnent, se jugent durement voire s’identifient à des monstres. Aussi à travers l’ allégorie des super-pouvoirs, on peut lire l’élément qui transforme, décale plus singulièrement par rapport aux autres adolescents « normaux » et place dans une solitude effrayante du fait de son origine, soi. C’est ce que vivent, même à l’heure actuelle, pas mal de gays et de lesbiennes. La confirmation d’un désir « autre », parallèle à la voie royale de l ‘hétérosexualité, est déclencheur d’un raz de marée d’images négatives de soi-même, de jugements terribles sur ce que nous sommes allant parfois jusqu’au suicide. Statistiquement, il y a encore de nos jours, 14 fois plus de chance qu’un jeune gay ou une jeune lesbienne se suicide par rapport à un- e jeune hétérosexuel-elle.

DES INDIVIDUS QUI GENENT...

La notion de peur de l’inconnu, donc de l’étrange, est une notion centrale dans ces récits, plus particulièrement dans les revues relatant les histoires des X-Men. L’atmosphère entourant leurs exploits décrit une population qui les rejette, non pas à cause de leurs actions mais du fait de leur nature. Ce sont des personnages qui risquent leur vie pour sauver une humanité qui n’a de cesse de les décrier, de les insulter...de les maudire. Un comportement historiquement ancré dans nos sociétés modernes envers les invertis, même si heureusement le destin actuel d’un gay et d’une lesbienne est beaucoup moins cruel qu’il n’y a pas si longtemps, les triangles roses ont comblé pas mal de
fosses communes et pour ceux et celles qui y ont réchappé la clémence de la justice n’a pas toujours été au rendez-vous par la suite. L’opprobre de ces derniers temps sur le mariage pour tous est malheureusement une preuve supplémentaire de l’expression d’une certaine infamie sociale au sein de la société.

LE POIDS DU SECRET...

Les super-héros jonglent avec deux identités bien distinctes, ils se partagent entre leur identité visible, de citoyen au sein de la société durant laquelle ils cachent leur « vraie nature » et celle liée à leur super-pouvoir qui efface l’individu pour laisser la place au super-héros et nécessite un anonymat absolu d’où le port d’un costume et surtout d’un masque pour ne pas être reconnu. Une dichotomie que vivent aussi certains ou certaines du fait de leur auto-censure à vivre ouvertement leur orientation amoureuse. Tout le monde n’a pas la force de surpasser l’affrontement social, affectif voire familial que génère l’acte d’afficher son attirance amoureuse hors des sentiers battus.

D’ailleurs, encore cette année, l’actualité est maculée de meurtres commis contre des gays s’affichant ouvertement. Heureusement quand même, les perceptions évoluent et il y a des signes positifs marquants une acceptation grandissante, mais pas totale, de l’identité gay et lesbienne. La majeure partie des français sont favorables au mariage, pour reprendre une actualité récente qui a secoué toute la France, même si des cohortes de personnes ont fièrement défilés contre, même si des petites phrases assassines ont été prononcées par des dirigeants politiques de tous bords.