INVISIBLE

Les mots du metteur en scène, et auteur, Thibaud Crevel :

Je souhaite une structure que l'on pourrait qualifier de classique, car ce sera une pièce en trois actes, qui respectera en grande partie les trois unités (lieu, temps, action.) Je dis "en grande partie" car vouloir s'enfermer dans des contraintes étriquées, qui faisaient sens au 17ème siècle, pour la beauté du geste, n'est pas vraiment, pour moi, une source de satisfaction. Mes contraintes seront celles de mon temps.

En conséquence, certaines s'envolent, d'autres s'ajoutent. Aucune époque ne laisse un auteur dans une liberté fantasmatique. La liberté, à mon sens, s'obtient dans la contrainte. Le tout étant de bien vouloir la définir. Les mêmes questions se posent cependant. Les contraintes techniques et matérielles, restent relativement inchangées, il est vrai. En revanche, par exemple, la contrainte liée à la bienséance pose question, plus que jamais. Et il en est de même pour l'exigence attendue quant à la vraisemblance, tant sur la question du jeu, que du récit lui-même.

Ce qui est certain, c'est que le théâtre ne peut rivaliser avec Netflix, ou des productions Disney, sur la question du spectaculaire, ou du grandiose. Ce serait vouloir que l'artisanat fasse concurrence à l'industrie, en allant sur le même terrain. Mais sur le terrain de l'éloquence et du style, le théâtre peut le faire. C'est là son domaine, l'essence même de son existence. Quand je dis "style", ou "éloquence", bien que pour beaucoup, ça sente la poussière, je dis simplement qu'il y a toujours un moyen, de tous temps, de sublimer notre langage, peu importe le stade de son évolution; Qu'il est toujours possible de servir la vie d'une langue par l'éloquence d'un comédien qui sait donner de la verticalité à une littérature restée couchée sur le papier.

J'écrirai donc, malgré la structure, une pièce de théâtre contemporaine. Et je l'envisage comme une tentative stylistique, qui sert l'oralité, l'éloquence, les comédiens, et, à mon sens, le but ultime : le divertissement, tendre un miroir convaincant aux êtres humains venus dans une salle obscure se départir d'eux-même.

J'envisage mon rôle d'auteur comme l'aiguille d'un sysmographe, et les pièces que j'écris comme le témoin, le dessein, de la mesure d'une époque, d'une crise, d'un événement, ou d'un instant.

Au vu de l'abondance, et de la diversité, des médias de divertissement, de nos jours, c'est, pour moi, une question de survie, et, peut être, la seule solution pour qu'une discipline que j'adore, aujourd'hui moribonde, ne disparaisse de notre pays pour une durée indéterminée. Laissant alors place aux spectacles de mentalistes, aux One Man/Women Shows, aux spectacles qui ne relèvent bien souvent que de la petite anecdote, plaisante et souvent bien tournée, certes, mais rarement très inconfortable, ni rarement très édifiante. Puisse-t-on sortir de ce spectacle avec plus, à la bouche, que "c'était rigolo" ou "c'était sympa". A fortiori, puisse-t-on quitter la salle, ébranlé, avec une question qui nous brûle les lèvres...

Les mots de Stéphanie Audebert, Présidente de l'association "Asperger Family" :

Thibaud, et moi, sommes d'accord pour que la pièce donne lieu à un moment d'échange avec le public. L'idée étant d'orienter les personnes présentes à questionner le travail de recherche, d'écriture, et de mise en scène, afin que d'autres projets sur le même sujet ou non, vous parviennent. Ce serait pour nous un très beau cadeau, que l'outil théâtral soit pris à bras le corps par d'autres citoyens que nous, comme un rempart contre l'ignorance et l'obscurantisme, comme une belle arme d'éducation populaire.

Nous souhaiterions également faire participer les personnes TSA de l'association Asperger Family, à la construction de ce projet, que ce soit au cours de la phase de recherche, en recueillant leurs témoignages, ou bien sur la phase de mise en scène.