Au bord de l'infini

Le film que je propose est un road trip, qui va du deuil insurmontable jusqu'à celui qui nous accompagne tout au long de la vie. J’ai écrit avec la volonté de proposer durant un temps très court la durée indéfinissable de ce passage du deuil. Le parcours du protagoniste reflète les étapes de l’acceptation de la mort d’un proche. Tout d’abord l’absence, puis la fuite du deuil, les souvenirs qui surgissent à des moments inattendus, cette quête des souvenirs, jusqu’à la prise de conscience de la finalité de la mort et de l’omniprésence des souvenirs.

Au bord de l’infini vient de ma conception de la mort, que je personnifie en Emma. En plus d’être la personne qui accompagne les vivants chez les morts, elle est aussi la gardienne des souvenirs qui leurs sont attachés. C’est elle, qui ramène un souvenir oublié à Baptiste, souvenir qui lui permet de comprendre que son frère vit en lui. C’est pour cela que je la décris si joyeuse, si vivante. Un personnage en contraste avec celui de Baptiste.

J’ai écrit l’insurmontable avec la musique. Au départ, Baptiste fuit le deuil, il ne peut supporter l’absence de son frère, la maison, ses parents. Il ne peut jouer de la musique car il l'assimile à la mort. Pour chaque souvenir, le violoncelle, instrument dont jouait son frère, devient omniprésent. Depuis le terrain de rugby, la quête des souvenirs de Baptiste s’accompagne à l’oreille, par sa volonté d'écouter de plus en plus le violoncelle. Quand Baptiste comprend que son frère est dans lui, il peut à nouveau jouer du piano. C'est alors l’aboutissement de sa quête personnelle. Il peut enfin accompagner le violoncelle qui ressent profondément en lui.

Quand j'écris et parle d’Au bord de l’infini, je perçois un personnage pommé avec lui même, son entourage et ceux qui l’entourent. Baptiste fera face à des grands espaces , des grands silences, à une salle de concert vide, au Cirque de Gavarnie, à des rues désertes, à des conversations en sourdine, à des instruments silencieux... Tout ce monde trop grand, trop large l’écrase. Puis, il va trouver une taille humaine, via Emma. Tout redeviendra alors à sa dimension et se remettra en place. Il s'accorde avec lui-même, est en phase avec les éléments naturels, les instruments, sa famille et ses souvenirs. Parallèlement, la mise en scène suivra cette règle : passage de plans larges, immobiles à des plans plus serrés et en mouvement dès l’entrée en scène d’Emma.

Au bord de l’infini est une œuvre cinématographique qui nous mène dans un voyage poétique et donne envie de vivre. C'est donc un film utile dans un monde qui manque cruellement d’espoir.